Je vous parle de qui

Je vous parle de qui

 

 

Karnauch - Phil Baron

 

 

 

 

 

 

Je connaissais un mec
Qui s'appelait Valashnikov
Ou Barsboulba

Dans c'goût-là
Je ne me rappelle plus bien...
Ce mec…
Il sautait les moutons
La nuit
Parce que les souris
Avaient un trou de serrure
Trop petit pour y fourguer
Sa clé gonflée de ficelles bleutées
Son huit obstinément fermé
Sur son insomnie...
En haut en bas
Bouclé dans le charroi
Que tiraient au loin…
Je ne sais pas
Des moutons
Peut-être

Ce mec…
Barashnikovna
Je pense qu'il s'appelait comme ça
Encore que le « a » indiquât
Le genre au féminin, je crois...
Ce mec
Barashnikof
Boxait le néant
A vide en moulinant...
Obscurci par
Le diadème maudit
A l'intérieur de son crâne...
Une bague cérébrale
En peau de mouton
Serrée dans sa tête
Pour empêcher l'extension
De son cerveau...
La fourmilière des neurones
Qui aurait tout englobé...
Toutes vos vies giclant par ses orbites
Oculaires...
Un soleil couchant les ombres
A l'étable de l'impensé
Un chagrin qui aurait tout remballé…
… Il boxait, je vous disais, dans le vide
Sans jamais atteindre
Le monde étendu
Toujours qui se dérobait
A une enjambée devant lui

Il avait, depuis longtemps, caressé cette idée
L'idée d'aspirer
Par ses naseaux dilatés
A son gré les animaux...
Les bêtes de l'Innommé
Comprenez…
Vous ne les voyez pas
Mais il y en a partout
Dans l'espace...
Tramées dans un murmure
Jamais elles ne s'arrêtaient
A l'intérieur de son âme malade
Qui s'étendait
Comme une prairie
Où les arbres broutaient
Le lichen phosphoré
Où se battaient les minuscules
Étincelants
Mais…
Selon l'étincelle
Rien ne bougeait
A part les chenilles
Mangées d'avance par les papillons

Ce mec
S'appelait peut-être
Taras Boulba
… Après tout...
Vaguant au fond de l'inacceptable
Vision où il crevait son outre pleine
De démons et de vieilles ratatinées
Sur leurs tabourets
Dont il était la pupille
De recours
La cataracte des visions
La pupille
Orpheline...
Fermant les yeux pour les combattre
… Les souvenirs, vous savez bien…

... les souvenirs vous savez bien...             


Au fond, si loin dans son altitude inversée
Cureté au vif d'une flaque
La tête en bas
Dodelinant son crâne incertain
Collé au plein dans la rainure
La bouche tordue dans ce sourire,
Il trouvait souvent sous la mâchoire
D'un de ces types couvrant l'ennui
De leur vêture de peau tremblante
Un point de contact rougissant
Direct du droit puis un petit crochet
Avant de rentrer manger son frichti...
Pour dire le vrai l'aurait fallu rêver
Digérer


 

Je vous parle de qui

Je vous parle de qui

Pour vous dire quoi

Pour vous dire quoi

Que l'enveloppe carnée

Que l'enveloppe carnée

L'enveloppe de qui

L'enveloppe où il insérait son double calcaire
Pour faire carrière
Au sablier
Lui faisait lever un doigt léger
C'était le vent qui le déployait
Un doigt puis l'autre parcheminé
Desséché

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour

Vous le saurez sans le vouloir
Il ne pesait pas plus qu'une poupée
Un visage chiffonné sous un chapeau
Des yeux durcis qui ne brillaient
Que sous la pluie ou la poussière
Marchant lentement, ployé par
Les années où il n'avait
Vécu que par instants
Quelques lueurs dans l'indistinct
Le reste du temps
Il dormait, il rêvait
Voyant glisser au loin
Son éminence à l'horizon
Sa tête roulée qui rigolait…
du reste
… du reste
Il n'en avait plus guère
C'était la fin

Après avoir morflé un soir sévère
Des coups de latte dans la pénombre
Couché au long et dans la lumière
Du petit matin
Il s'était mis un mouchoir pour ne rien dire
Bavant des fibres
Méditatif et, levant
Cent millions de doigts pour y rejoindre
A la voûte plantée d'étoiles
Le chariot grincé qui dérivait,
Il avait marché le jour la nuit...
Il s'était allongé, avait défait
L'emprise douce des murmures
que sautent moutons
Sous le crâne chauve, souriant de sa bouche torve
Pauvre con

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour

Cette fissure s'élargissait au ciel
Dans son veston où se grouillaient
De ces croupes moutonnières
Quand elles s'éloignent…
…quand elles s'éloignent
Pauvre con

Quand elles s'éloignent

Quand elles s'éloignent
Tu bêles en sourdance,
Pauvre con
Pauvre con

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour
Faudrait les suivre
Mais la béance
De ton visage
Te rentre un masque dont tu ne sors
Que le soir et très tard,
Hors de toi, poursuivant
D'autres moutons, puis des chevaux et des fantômes
Visages très pâles dont tu voudrais
Reconstituer le front d'airain, mais ce n'est pas
Dans ces postures que tu sauras
Te voir en face,

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour

Gelé d'azur fossile battant
Au fond mémoires
Mes moires grand-père, moirées d'acides
Chagrins lointains qui te remontent
Quand tu entends cogner les tempes
Tempo languide
Une petite remise
De peine à vivre
Trois fois rien, quoi…

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour
Un bail d'avance où tu logeras
Dans l'hystérique mémoire tremblée
Dans l'hystérique mémoire tremblée...
Un cri un seul
Qui te réveille
Un cri un seul
Qui te relève
Un cri un seul
Qui te révèle
Au milieu des vertes prairies
Où tu dormais
Voyant brouter les arbres
Comptant les moutons, content, enfin

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour

Je vous parle de qui

Vous le saurez un jour

Où tu dormais
Voyant brouter les arbres
Comptant les moutons, content, enfin

 

 

(Karnauch-Phil Baron)

 

 



19/05/2011
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres